La loi sur l’égalité des chances et le CPE
8 jan 2007 par Samuel Sebban |
Mince, encore un article politique ou je vais faire mon rebelle. Peu importe, j’adore ça.
Aujourd’hui, je vais parler d’un sujet qui n’est plus d’actualité, bien que je ne doute pas, étant donné le niveau des débats pour la course à l’Elysée, que ça revienne rapidement dans les débats : le Contrat Première Embauche, qui a vu un soulèvement de masse des jeunes jusqu’ici rarement atteint. Ce bras de fer entre M. de Villepin et « les jeunes » a duré pas mal de temps, et personnellement a fini par m’agacer. Je ne parle même pas de la vraie fausse décision de M. Chirac qui décidemment ne sert pas à grand chose dans ce pays. Parce que sur les sujets chauds, il est fortiche pour pas se mouiller notre Chichi national. Mais revenons à nos moutons.
La loi sur l’égalité des chances, et disons plus particulièrement le CPE, a montré combien la communication est importante pour faire passer un message, et combien l’accompagnement du changement est une chose délicate. Vous observerez cette réaction classique face à une réforme du gouvernement qui touche à notre quotidien :
1) Identification d’un problème, où on se rend compte que le système fonctionne plus (exemple : la sécu, les retraites, …). Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut faire quelque chose
2) Réforme bourrin mal expliquée, où le gouvernement en place explique gentiment que l’opposition a rien fait quand elle était au pouvoir, ce qui suffit selon eux à justifier la mesure.
3) Mécontentement des gens (échelle 1 : petite grèe, échelle 2 : CPE, échelle 3 : Mai 68) , et bien entendu récupération politique par l’opposition qui si elle avait eu les commandes n’aurait jamais fait pareil.
4) Retour à la case départ, ou changement de gouvernement, voir les 2.
Donc finalement, on se rend compte que la France ne sait pas changer. On a pourtant un tas de problèmes : trou de la sécu, détte nationale, retraites, chômage des jeunes, … Mais c’est viscéral : dès qu’on touche un tout petit peu aux « acquis sociaux », les problèmes de la France intéressent moins les gens. Evidemment, je caricature, c’est important les acquis sociaux.
Mais, par exemple pour les retraites, il faut remettre les choses dans leur contexte : la retraite à 60 ans, c’était au moment où l’espérance de vie atteignait à peine cet âge, et où les gens commençaient à bosser à 14 ou 15 ans. Certaines choses ont été votées à un moment donné dans un contexte particulier et perdurent encore aujourd’hui. Pour continuer sur l’exemple, aujourd’hui, l’espérance de vie est nettement plus élevée, et on se prend l’effet boomerang du baby boom, c’est-à-dire que les départs à la retraite ne seront pas assez compensés. Alors, comment on paie les retraites ? Je ne veux pas entrer dans ce débat, mais poser le problème. C’est fait, donc je continue.
Pour l’exemple plus précis du CPE, le problème est celui du chômage des jeunes, trop important. Un jeune sans expérience n’est pas embauché, il n’est même parfois pas pris en stage. Je sais de quoi je parle, pourtant, je sors d’une grande Ecole d’ingénieurs, il parait qu’on a pas ce problème. Et bien, ce n’est pas vrai, j’ai été recalé dans un certain nombre de boîtes à cause de mon « manque d’expérience ». Quand on voit le crédit accordé généralement en France aux étudiants des Grandes Ecoles, je n’ose même pas imaginer ce que ça doit être pour les autres jeunes, qui sont la majorité. Aujourd’hui, le diplôme ne suffit plus, il faut de l’expérience. En gros pour les plus tétus, CDI = expérience. Comment acquérir de l’expérience ? Par un stage, ou plusieurs.
Ca, les entreprises adorent employer des jeunes en stage. C’est pas cher, c’est pas long, et on en change quand on veut. Microsoft France emploie 10 % de stagiaires sur ses 1000 collaborateurs, sans perspective d’embauche. C’est le département RH de la dite boîte qui m’a dit ça au forum 2005 des entreprises de l’Ecole Centrale Paris. Et non, un diplôme ne suffit plus. Un très bon ami à moi, qui est avocat, doit également enchainer les stages sous-payés s’il veut un jour espérer se faire employer dans un cabinet. 1 an et demi à 2 ans d’expérience requis !!! C’est vrai que les études de droit ne sont pas assez longues… Et non, je n’éxagère pas, ce qui me scandalise, c’est que la mobilisation avec le mouvement des stagiaires un peu avant celui du CPE a pas fait beaucoup d’émules…
Mais, selon mes sympathiques amis opposants farouches au CPE, ce système des stages n’induit pas une précarité des jeunes. Non, non, puisque le CPE amène la précarité. Le CPE qu’est-ce que c’est ? Grosso modo :
- on fait signer un contrat à un jeune, et du coup l’Etat nous aide
- on peut les virer dans les 2 ans sans motif
- on a pas le droit de les sous payer
- l’Etat se porte garant des logements des étudiants en CPE, entre autres mesures passées sous silence.
- un CPE et un seul par jeune
Donc pour résumer : c’est au pire un stage, en mieux payé, et logé, et ça ne peut arriver qu’une fois… Alors, parce que la vie n’est pas rose, bien entendu que ce CPE comporte des clauses merdiques : 2 ans c’est trop long, et sans motif c’est pas juste. Mais quand on voit la merde que c’est pour virer un type qui mérite de l’être, je peux concevoir que les entreprises aient peur d’embaucher des gens. Enfin, pour certaines, je vais pas pleurer non plus.
Alors maintenant, déroulons. Je suis Manu, étudiant qui sort avec une maîtrise d’économie et qui cherche un emploi. Je signe un CPE dans une entreprise. Plusieurs cas de figure :
1) tout se passe bien, mon CPE se transforme en CDI.
2) au bout de 6 mois, on interromp mon CPE sans raison ou pas.
Pour le 1), ça doit pouvoir arriver. Je ne pense pas qu’une entreprise qui embauche un jeune, et donc le forme et investit sur lui ou elle, soit assez stupide pour le(la) dégager si elle n’a pas une bonne raison de le faire… Enfin évidemment je ne parle pas des supers grosses boites style LVMH ou l’Oréal qui traitent leurs employés n’importe comment.
Pour le 2), finalement, moi, Manu, je n’ai rien perdu : j’ai gagné 6 mois, payé au minimum au SMIC. Le procédé est relativement dégueulasse, c’est vrai j’avais l’impression de bien faire, mais quand je vais déposer mon CV devant un recruteur, il verra mes 6 mois d’expérience en tant qu’employé, et non en tant que stagiaire. Et cette expérience compte, plus que l’on croit.
Peut-être que j’idéalise un peu. Sans doute qu’il y’aurait eu des abus avec le CPE. D’ailleurs, pour moi 2 ans c’est trop. 1 an, à la limite. Pareil, le licenciement sans motif c’est la porte ouverte à tout et n’importe quoi. Ok pour le licenciement avec motif, finalement, comme l’employeur est censé avoir une bonne raison (autre que : « elle voulait pas que je lui caresse les seins »).
Enfin, si on le compare à la situation actuelle, je ne vois pas très bien en quoi il empire la situation des jeunes. Au pire, il ne l’améliore pas… Est-ce une raison pour ne pas tenter le coup ? Je ne pense pas qu’il fallait retirer le CPE, mais l’aménager. Etre jeune, et contre la loi sur l’égalité des chances, c’est être soit bien con, soit bien mal renseigné. Donc, mes chers étudiants, apprenez-bien vos leçons, et je vous souhaite de belles périodes d’esclavage… pardon de stages non rémunérés, puisque vous avez également repoussé la loi sur l’égalité des chance, où il est notamment stipulé qu’un stage DOIT être rémunéré… C’est vrai que ça ne vaut pas le coup…