Une campagne qui n’en finit plus – la difficulté de gouverner
26 juin 2007 par Samuel Sebban |
Il est très intéressant de constater que, même deux mois après les présidentielles, il est extrêmement difficile de gouverner notre cher pays. En lisant les commentaires des internautes sur le web, on se rend compte que nous avons affaire à trois clans très distincts
- Les pro-Sarko : tout ce qu'il fait est bien, et ceux qui ne sont pas contents refusent la démocratie et sont des assistés
- Les anti-Sarko : à peu de choses près, l'antithèse des précédents. C'est un salaud de fasciste, et tout ce qu'il fait est diabolique ou, au mieux, il favorise les riches et il tape sur les pauvres enfants démunis du pays
- Une catégorie finalement assez faible de personnes qui attendent de voir et ont un regard relativement objectif.
En toute objectivité, je dois me situer dans la catégorie 3 avec quelques restes de catégorie 1 dus à la campagne présidentielle. Brève entrée en matière nécessaire, car je préfère assumer le fait d'être malgré moi légèrement de parti pris plutôt que de feindre une objectivité totale que de toutes les façons personne ne peut prétendre contrôler. Donc en gros, j'attends de voir avec un a priori favorable !
La politique d'ouverture
La première chose qui m'a frappée est la réaction contrastée des individus suite à la nomination du premier, puis du second gouvernement Fillon. En effet, si la majorité des réactions étaient plutôt ravies de cette politique d'ouverture à des ministères clés, les plus farouches défenseurs du TSS ("Tout sauf Sarko", campagne officieuse lancée en début de campagne et fortement accentuée entre les deux tours de la présidentielle) y voient nécessairement une volonté de contrôler jusqu'à l'opposition. Après l'UMP, les médias, la France, les millions d'électeurs, et bien voilà que le facho suprême contrôle jusqu'à l'opposition.
Autrement dit, ces idiots de Kouchner, Hirsch et autres Allègre et Amara sont des personnes soit éminemment stupides, soit opportunistes. Il est certain que les fondateurs d'Emmaüs, de Ni Putes ni soumises ou de Médecins Sans Frontières ne peuvent être que des gens opportunistes et intéressés, ça tombe sous le sens. Et la débilité et l'incompétence des sus-nommés n'est plus à démontrer. Bien entendu, dès lors qu'ils ont accepté d'entrer au gouvernement, ce sont des traîtres infâmes qui ne méritent pas mieux que la pendaison sur la place publique. Ce passage, agrémenté d'un maximum d'ironie, démontre la bêtise des personnes qui remettent en question l'intégrité au moins de ceux-là. Dans le genre intéressé et opportuniste, le cas d'Eric Besson me parait refléter davantage les réflexions haineuses de certains de mes compatriotes. Entre parenthèses, on peut se demander si M. Besson n'est pas envoyé au casse-pipes avec le dossier brûlant de la TVA sociale. Mais c'est un autre débat.
Donc, résumons-nous. Si le président de la République pratique l'ouverture pourtant appelée de ses voeux par Ségolène Royal durant la campagne, par le refus du clivage droite/gauche, les anti-Sarko y voient un argument de plus pour démontrer le machiavélisme de ce dernier. Maintenant essayons de nous imaginer un gouvernement exclusivement UMP avec un ou deux ralliés du Nouveau Centre d'Hérvé Morin. Qu'auraient dit les anti-Sarko (rejoints par beaucoup d'autres à mon avis) ? Le méchant Sarkozy veut tous les pouvoirs, il ne respecte pas du tout l'opposition et veut y aller en force… Bref, notre pauvre président avait le choix entre une mauvaise solution et une solution mauvaise…
A côté de ça, bien entendu, Sarkozy fait une excellente affaire politico-médiatique avec son ouverture, mais si ça apporte des résultats, peut-on réellement le lui reprocher ? Sarkozy a malgré tout verrouillé l'appareil de l'UMP en mettant les incompatibles Devedjian et Raffarin à sa tête. Et il a contribué à la zizanie du PS en recevant, à la veille du sommet de Bruxelles, les chefs de partis, donc au PS Hollande, mais aussi Fabius et Royal. Et pas DSK… Parce qu'il est le plus dangereux adversaire puisque le plus compétent ? La politique, c'est aussi une affaire de stratégie pas forcément propre, en témoignent les appels du pied de Royal à Bayrou qu'elle avait largement critiqué avant le premier tour de la présidentielle.
Les premiers projets
Bien entendu, notre jogger de président veut aller vite, très vite… trop vite ? Là encore autre débat. Et puis on verra bien… Outre le monumental couac non maitrisé de la TVA sociale durant la campagne des législatives, plusieurs réformes importantes sont en place : justice, immigration, "travailler plus pour gagner plus" et autonomie des universités, entre autres.
Je ne vais pas m'étendre sur l'ensemble des exemples sus-cités, néanmoins, c'est assez étonnant d'observer le comportement de la CGT via l'éternel Bernard Thibault, et l'Unef via le non moins éternel Bruno Julliard (toujours étudiant, ça devient inquiétant). Je crois qu'il est clair pour tout le monde que Nicolas Sarkozy ne pourra rien proposer qui sera accepté dans le fond par ces deux messieurs. Pour la CGT, c'est plus ou moins une question de tradition. Après tout si on s'oppose plus, on ne sert plus à rien, mais là j'attaque un problème de fond sur le non représentativité syndicale dans les entreprises, qui décident pour tout le monde alors qu'ils ne représentent quasiment personne. Je ne remets pas en cause leurs succès passés, mais je pense qu'il ne reste plus assez de combats sociaux pour alimenter leur soif de protestation… Heureusement qu'ils ont trouvé le CPE l'an passé pour se réchauffer !
Concernant l'UNEF, c'est beaucoup plus drôle. Manifestement, outre l'ambition politique personnel de son président, le syndicat semble s'opposer à toute réforme du système universitaire. Les trois points bloquants sont :
- la sélection en quatrième année à l'entrée en master
- le problème des CA des universités et de leur composition
- l'autonomie optionnelle des universités
Sur le premier point, ça ne me choque pas qu'on sélectionne à Bac +4, parce que les études pour le plaisir de prolonger l'insouciance étudiante, je ne vois pas l'intérêt. La motivation et la compétence me semblent nécessaires à ce stade. Pour les CA, si effectivement la proportion des étudiants baisse, c'est bête et dommage. Effectivement un CA à 60 participants est inutile, 20 c'est bien, mais les étudiants doivent être suffisamment représentés, et c'est bien normal. Donc ok là-dessus. Par contre, sur l'autonomie optionnelle, je pense que l'UNEF croit encore à un monde idyllique où il n'y aurait pas de sélection, où on serait tous égaux, tous super diplômés et tous en CDI. Et tout ça sans rien changer dans le système ! Merci l'Unef… Evidemment, il n'y a pas de solution miracle, mais à un moment donné, il faut bien faire quelque chose. L'autonomie permettra normalement aux étudiants, mais surtout au système universitaire français, d'être performant au niveau mondial. Il faut en finir avec l'université considérée par beaucoup d'étudiants perdus comme un choix par défaut, puisqu'il faut bien végéter quelque part. Donc, en ce qui me concerne, je trouve que l'autonomie est une bonne chose, à condition de faire des efforts conséquents pour une vraie orientation des étudiants.
Pour les mesures dites "pour les riches", je trouve qu'on a un peu tendance à fonctionner de façon binaire, en particulier à gauche. Du coup, de tous temps, la France a été composée de deux catégories de personnes : les riches, et les pauvres. Et bien entendu, qui c'est qui finit par payer ? Les classes moyennes… Hors, je pense que les mesures sur les intérêts d'emprunts et les droits de succession sont d'abord destinés aux classes moyennes, les plus touchées par le problème du pouvoir d'achat, et la clé de la croissance. Concernant le bouclier fiscal, je préfère qu'un riche paie 50 % d'impôts en France que 30 % à l'étranger et 0 % à la France… Je suis le premier à dire que les gens aisés devraient peut-être faire un effort et pas se planquer pour éviter de ne garder que plein de millions d'euros au lieu de tout plein de millions d'euros, mais à un moment donné il faut être lucide, et se dire que le monde est imparfait et que l'argent rend con. Et donc qu'il ne vaut mieux pas parier sur la conscience morale des gens. C'est triste, mais c'est comme ça.
Les trucs bien dont personne ne parle
Je vais donner un seul exemple. L'engagement de MM. Sarkozy et Kouchner pour le Darfour et l'organisation de cette première réunion d'envergure sur la crise de ce pays. Je trouve que c'est une bonne chose, même si j'ai toujours des doutes sur la diplomatie bureaucratique, mais je crois malgré tout que cela montre l'engagement profond du président pour cette cause.
En ce qui concerne la fameuse commission des finances, il semblerait que le président confirme le projet de la confier à l'opposition. Le fait de recevoir régulièrement les responsables de l'opposition me semble également un point positif. Je ne m'attarde pas là-dessus, car à mon sens, il faudra probablement davantage de temps pour faire un vrai bilan.
Pour conclure, l'objet de cet article est pour moi de fustiger les personnes qui se sont mis en mode anti-Sarko et qui n'ont plus aucun discernement. La campagne est terminée, ça ne sert plus à rien de s'exciter, et pour l'instant, aucune réforme n'est passée, donc je trouve cet acharnement digne du procès d'intention, méthode classique de la diabolisation de l'ennemi commun fasciste. N. Sarkozy n'a pour le moment rien fait qui justifie de telles attaques, il consulte très régulièrement et en personne les partenaires sociaux, et il a composé un gouvernement d'ouverture. Ce que j'aimerais savoir, c'est que faut-il pour satisfaire les éternels mécontents ? Vous savez, ceux qui passent leur temps à critiquer le système actuel et à aller dans la rue dès qu'ils entendent le mot "réforme" ? Je trouve qu'il faut beaucoup de courage pour diriger un Etat comme la France, dans lequel l'opposition n'a rien retenu d'autre que l'opposition destructive, capable trop rarement d'être d'accord sur une mesure qu'ils auraient eux-même proposés étant élus (la fameuse TVA sociale en particulier). En bref, j'admire les gens qui ont la tenacité de continuer à avancer malgré tout, car ils sont souvent la cible d'une haine viscérale qui a plus à voir avec une nécessité de se défouler pour la masse qu'une réelle réflexion construite. Je suis parfois choqué de la violence de certains propos. On peut ne pas être d'accord et le dire, mais je suis et demeurerai contre l'attaque personnelle. Faut-il rappeler que nous sommes pour la plupart tous installés confortablement à attendre et critiquer pendant que d'autres prennent tous les risques et en assumeront les conséquences ? La critique est aisée mais l'art difficile… Et gouverner des gens qui ne ratent aucune occasion pour bafouer ce que l'on est au lieu de ce que l'on fait, ça doit faire mal, des fois… Mais, comme je le dis toujours, on a les dirigeants qu'on mérité, et se planquer ne change rien.