Le blocus de Gaza, entre supercherie et géopolitique
28 jan 2008 par Samuel Sebban |
Il n’aura échappé à personne la grouillante activité récente de la bande de Gaza, dans laquelle le chaos semble avoir pris tous ses droits. Et, comme de bien entendu, les différents médias de s’apitoyer toujours sur les mêmes, et de blamer… toujours les mêmes… Dans une routine journalistique désormais parfaitement huilée, le gentil opprimé est tout trouvé, et le méchant agresseur, aussi. Peu importe ensuite la conscience professionnelle. Pourtant j’ai des amis journalistes qui ont un peu d’esprit critique, mais s’ils continuent à essayer d’être objectifs, ils vont se retrouver au chomage, par les temps qui courent. Et on a le droit à toute la panoplie des bien-pensants, tellement formatés à taper sur l’Israélien qu’ils perdent tout sens critique… A part ça, il parait que tout le monde a accès à l’éducation… Passons.
Ce passage un peu cynique étant passé, essayons de comprendre un peu mieux ce qui se passe. Nul n’ignore qu’actuellement, la Palestine est divisée en trois parties : Israël, la Cisjordanie et la bande de Gaza, organisées comme suit :
Je me rends compte que, quand même, c’est bien d’avoir une carte pour comprendre un peu ce qui se passe. Bon, l’objectif de cet article n’est pas de délimiter les frontières du futur Etat palestinien coexistant pacifiquement avec Israël, mais d’évoquer la crise israélo-palestinio-égyptienne qui occupe gentiment nos médias.
Qu’est-ce qu’on nous présente : les Israéliens qui privent Gaza d’électricité ou de fuel pour empêcher les tirs de roquettes, donc des centaines de milliers de Palestiniens affluent vers l’Egypte pour acheter, détruisent le mur qui constitue le passage de Rafah et qui se précipitent pour acheter médicaments, vivres, cigarettes et même postes de télévision. On nous présente également une réunion du cabinet ministériel du Hamas à la bougie, pour illustrer les dégâts incommensurables du blocus.
Réaction naturelle : bon c’est vrai que les roquettes c’est pas top, mais la punition collective c’est pas bien non plus… Allez hop, je tape sur l’un, je tape sur l’autre, je suis je suis je suis… équitable, bonne réponse. (prendre si possible l’intonation de Julien Lepers)
Alors reprenons :
1) Les Israéliens privent Gaza d’électricité… Déjà, je n’ai pas entendu à la télévision les nombreux démentis d’Israël qui affirme qu’il a certes réduit, mais jamais arrêté la fourniture d’électricité. Enfin bon, ils parlent aussi d’un allègement du blocus ça devait pas non plus être si clair que ça cette histoire. Mais dîtes-moi… Sachant qu’Israël s’est retiré de la bande de Gaza, en quoi sont-ils obligés de fournir Gaza en électricité ? Vous imagineriez, vous, que la France soit obligée de fournir la Suisse ou la Belgique en électricité ? Et à l’époque où l’Egypte administrait Gaza, ça se passait comment ?
2) « pour empêcher les tirs de roquettes ». Enfin… Après des mois, que dis-je des années de feinte ignorance, l’opinion française découvre avec stupeur que des milliers de roquettes ont été tirées depuis la bande de Gaza sur Israël. Il était temps. Mais alors quoi, l’armée israélienne ne tuerait pas des enfants aveuglément ?
3) « 700 000 Palestiniens passés en Egypte », annonce le Figaro. Et bien dîtes-moi, quand on sait que la population palestinienne représente entre 1,2 et 1,5 millions d’individus à Gaza, on se dit qu’il doit effectivement y a voir de l’ambiance à Rafah… (d’ailleurs quand on considère la taille de la bande de Gaza en comparaison avec la Cisjordanie, j’ai du mal à comprendre l’intérêt pour eux de se tasser dans Gaza, mais c’est un autre sujet…)
« Environ 400.000 personnes sont passées hier et au moins 300.000 aujourd’hui », a indiqué Rula Khalafawi, directrice au Caire de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) (toujours selon le Figaro). Bon, c’est déjà plus cohérent, parce qu’il peut y avoir des doublons… Encore que : on nous explique quand même que les gens font des réserves, donc normalement c’est pas comme quand tu oublies le jus d’orange à l’Intermarché… Enfin peut-être que quand les 400.000 personnes sont rentrées chez eux, leur femme leur a dit : « mais crétin, tu as oublié la sauce tomate, tu y retournes demain et tu discutes pas »… Bref, 700 000 est probablement un chiffre bidon, mais ça ne m’étonne pas de l’UNWRA qui décidemment est une aberration de la nature.
Un mauvais point pour le Figaro cependant : le titre amplifie de 50 % la gravité de l’afflux. En termes d’impact et de scandale, 700.000 c’est quand même vachement plus la classe que 400.000…
4) Ils vont s’approvisionner en Egypte… Tiens, mais d’ailleurs c’est vrai ça : donc les Israéliens sont censés fournir vivres, médicaments, électricité, etc… à Gaza, mais quid de l’Egypte ? Après tout, ils évoquent tellement souvent leurs « frères » palestiniens, pourquoi ne pas les aider davantage ? Et pourtant on sait bien qu’ils n’ont pas laissé faire de gaité de cœur : La pression populaire les pousse à laisser les Gazaouis passer, mais tout le monde sait bien qu’ils auraient préféré rester tranquilles sur ce coup. Et sur tous les autres, d’ailleurs. Les pays arabes sont d’accord pour soutenir les Palestiniens dans leur lutte contre Israël… Mais pour aider les Palestiniens, il vaut mieux ne compter… que sur Israël.
5) Ils détruisent le mur de Rafah… Attends 2 secondes… Un mur à la frontière avec Gaza ? Mais c’est une barrière de sécurité ça, vite, il faut le dire à l’ONU pour qu’ils fassent une résolution… Ah mais non, je suis bête : les États ont le droit de construire des murs à leurs frontières, enfin Israël c’est pas pareil : eux c’est des nazis apartheid…
6) Les Palestiniens achètent des tas de choses, essentielles à leur survie. Très bien, mais je ne comprends pas bien : avec quel argent ? Comment se fait-il qu’on nous présente tantôt 70 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté (ben oui puisqu’Israël leur a tout pris, vous suivez ?), et 700.000 personnes qui affluent pour acheter des vivres, mais également des cigarettes et des postes de télévision. Les Gazaouis seraient-ils devenus riches ? Alors certes, il y a un blocus, mais manifestement il reste un peu d’argent, ça va, Israël n’a pas tout pris.
7) La réunion ministérielle à la bougie. La plus grosse farce du siècle. Un montage photo, et mal fait encore. Dénoncé par les journalistes palestiniens eux-même, qui plus est, il faut le souligner. Voilà l’arme du crime :
Photo Mohammed Salem, publiée sur le site du Time – © Reuters
Touchant non ? Oui, mais c’est du pipo… Il apparait que la réunion a eu lieu… en plein jour : les rideaux à gauche, la porte au fond et les fenêtres à droite laissent clairement passer de la lumière. La propagande du Hamas ne nous avait pas habitués à un tel amateurisme… Bref, j’avoue que ce matin en découvrant ça, j’ai bien ri. Mais ça en dit long sur les méthodes de certaines personnes qui ont intérêt à exagérer les conséquences du blocus.
Alors voilà, je ne dis pas que tout va bien à Gaza, mais la soi-disante crise humanitaire n’existe que dans les fantasmes des antisionistes/sémites. Les médicaments passent, la centrale électrique de Gaza est approvisionnée, et les centrales de production de roquettes fonctionnent à plein régime (trouves l’intrus). Et j’ai même la sensation que les gens ne sont pas dupes… Cependant, Israël a, selon moi, réussi un coup de maître stratégique en plaçant l’Egypte face à ses responsabilités. Et on le constate avec la nouvelle communication : petit à petit, Israël veut couper la dépendance de Gaza, dès lors que le territoire est géré librement par une entité hostile. A l’Egypte de prendre le relais. Et à ceux qui demanderaient pourquoi, ils peuvent répondre, pourquoi ça serait nous, et pas eux… Pas mal… Cependant, il semblerait que Tsipi Livni ait trouvé une solution viable pour réhabiliter la bande de Gaza :
« Israël est le seul endroit au monde qui fournit de l’électricité à des organisations terroristes qui lui lancent des roquettes. La vie des Palestiniens dans la bande de Gaza n’est pas facile en raison du terrorisme qui y règne, et ceci doit être clair comme de l’eau de roche : le Hamas peut changer la vie de la population gazaouie en un rien de temps, s’il cesse son terrorisme » – Tsipi Livni, ministre des Affaires étrangères, 21 janvier 2008.
Israël qui demande aux mouvements terroristes d’arrêter les actes terroristes… En voilà une drôle d’idée, mais à quoi bon lorsqu’on peut avoir la main mise sur une population qu’on affame, et l’utiliser comme arme contre l’ennemi idéologique ?