Al-Dura : un premier pas important
23 mai 2008 par Samuel Sebban |
Alors que mon inspiration faillit et que mon temps libre se réduit à une peau de chagrin, un petit billet pour évoquer les avancées récentes de l’affaire Al-Dura, que j’ai déjà évoquée dans cet article.
L’affaire Al-Dura, rappelez-vous : En 2000, France 2 a diffusé un reportage montrant comment un petit garçon arabe de Palestine est sauvagement assassiné par l’armée israélienne dans les bras de son père. C’est du moins ce qu’affirme Charles Enderlin. Depuis, le doute plane sur l’origine des tirs, d’une part, et beaucoup pensent que la scène n’est qu’un gigantesque trucage. Ce reportage est surtout qualifié par beaucoup d’experts de responsable de la flambée de violence liée à la seconde Intifada. C’est pourquoi faire toute la vérité sur cette affaire est fondamental.
Depuis 2000, il y a une énorme levée de boucliers contre tous ceux qui mettent en doute l’intégrité journalistique de Charles Enderlin. Parmi eux, Pierrre Lurçat, qui a également gagné son procès contre Charles Enderlin (ce dernier était accusé de désinformation). Autre affaire : Philippe Karsenty, directeur de l’agence de notation des médias Media Ratings, avait été condamné à 1000 € d’amende et à verser un franc symbolique à France 2, Arlette Chabot et Charles Enderlin pour diffamation ; Il était poursuivi après avoir affirmé que le reportage était complètement truqué, et réclamé la démission de M. Enderlin et de Mme Chabot. M. Karsenty a fait appel de cette décision.
Hier, le jugement de la cour d’appel était rendu, inversant totalement le délibéré du premier procès. Après examen des rushes (incomplets pour des raisons encore obscures), et la démonstration du travail d’investigation accompli par M. Karsenty, il a finalement été décidé par la cour que celui-ci était de bonne foi
, et qu’il n’exerçait que sa juste liberté d’expression et son droit à la critique, dès lors qu’il y a un débat avéré. Autrement dit, il n’est pas diffamatoire d’envisager que Charles Enderlin ait pu raconter des salades. C’est une grande victoire pour le clan de ceux qui pensent, comme moi, que les images diffusées sur France 2, si elles ne sont pas truquées, laissent la place au doute. C’est ce qui est reproché au journaliste : de ne pas démordre de sa version quand tous les doutes sont permis(le 3 octobre 2000, Charles Enderlin affirme : « L’enfant a été tué intentionnellement et de sang-froid par l’armée israélienne »). Hors le débat existe bel et bien :
- La position israélienne ne correspond pas à l’angle des tirs : il est donc probable que si tant est qu’il soit mort, ce ne sont pas à cause de tirs israéliens.
- Le nombre d’impacts de balles est trop faible pour des mitraillettes automatiques
- L’enfant regarde la caméra et fait un signe plusieurs secondes après les cris « L’enfant est mort » et n’est donc pas mort à la fin des rushes
France 2 et les journalistes ont décidé de se pourvoir en cassation. On verra bien ce que cela donne. Je regrette simplement le peu de bruit dans les médias français au sujet de cette affaire. C’est certain que le scoop est moins costaud que la diffusion des images à l’époque.
France 2 et M. Enderlin doivent comprendre qu’on ne leur demande pas d’infirmer ce qu’ils ont dit à l’époque ; nul ne sait ce qui s’est passé ce jour là, et dès lors que le doute est permis, il convient de ne pas transformer des hypothèses en vérités absolues. On demande à M. Enderlin de dire simplement qu’il s’est trompé, et qu’il aurait du mettre davantage de conditionnel et d’esprit critique dans son reportage. Il est possible que l’enfant soit mort à cause des Israéliens, mais peut-être aussi à cause des Arabes. M. Enderlin aurait pu démontrer l’ambiguité des images. Il me semble que c’est ce que l’on attend d’un journaliste intègre. Son reportage avait malheureusement davantage les allures de propagande malsaine que de travail d’investigation journalistique.
Aujourd’hui, l’affaire resurgit en Israël. Il se pourrait bien qu’on n’en reste pas là. Un jour ou l’autre, la vérité éclatera. France 2 ferait mieux de ravaler ses certitudes et d’appuyer le vœu du président du CRIF, Richard Prasquier, de nommer une commission d’experts indépendante pour faire la vérité sur cette affaire, c’est-à-dire de reconnaitre qu’ils ont peut-être été un peu vite pour diffuser l’information. Etant donné les conséquences humaines et politiques de cette affaire, ce serait la moindre des choses.