Beaufort, pour un point de vue différent
14 avr 2008 par Samuel Sebban |
On connait tous la réputation de Tsahal, l’armée israélienne (abréviation de : Tsva Haganah Le-Israel : Forces de défense israéliennes). Celle-ci est née à partir de l’officialisation de la création de l’État d’Israël, le 14 mai 1948, et correspond à la fusion de la Haganah, et de deux groupes armés, le Léhi et l’Irgoun.
Il est intéressant de noter que son nom même indique la vocation de cette armée : il s’agit d’une armée de défense. Celle-ci dispose dans son CV un grand nombre de coups d’éclats et de victoires depuis 60 ans, qui témoignent d’une très grande qualité dans la préparation et dans la formation.
Ce qui est plus difficile à envisager, surtout pour nous en France, c’est l’horreur totale de la guerre que doivent mener ces jeunes de 19 ou 20 ans contre un ennemi invisible qui peut se cacher derrière un vieillard, une femme ou un enfant munis d’une ceinture d’explosifs.
C’est un peu ce que tâche de montrer le film Beaufort, de Joseph Cedar. Nommé aux Oscars dans la catégorie « Meilleur film étranger », le Festival de Berlin a également consacré le réalisateur par un Ours d’argent. Pour ceux qui imaginent aller voir un film de guerre à l’Apocalypse Now, il vaut mieux passer son chemin. Le long-métrage met en scène une vingtaine de jeunes soldats de Tsahal, qui ont pour mission de défendre l’avant-poste de Beaufort, au Liban, alors même qu’ils savent qu’Israël projette de se retirer de cette position sous peu. L’absurdité de la situation donne un ton dramatique terrible : ces jeunes gens voient leurs amis mourir alors que leur mission est inutile puisque l’avant-poste sera de toutes les façons détruit.
Le film est lent, oppressant. Les acteurs sont parfaits. On voit les obus de mortier tomber au hasard sur l’avant-poste, et Tsahal, courageuse, qui cherche à tenir la position, coûte que coûte face à un ennemi invisible contre lequel elle ne peut rien et qui n’est représenté dans le film que par des obus qui s’écrasent sur l’avant-poste. On voit cette jeunesse fauchée par la mort, et on se demande bien pourquoi. On voit ces adolescents détruits par la guerre, et qui se font voler leur jeunesse et leur innocence par une guerre d’usure insupportable. Ils ont 19 ou 20 ans et ils voient leurs amis mourir. Et ils ont parfois pour mission de tuer, même si ce n’est pas ce que montre le film. On entend souvent nos journaux biaisés parler de ces soldats comme des monstres assoiffés de sang, du coup, ce film offre un contre-pied formidable : ces jeunes sont tout juste sortis de l’enfance, balancés dans un cauchemar, mais ils demeurent des hommes, avec leurs angoisses, leurs peurs, mais aussi leurs espoirs.
Un close-up haletant, à voir absolument. Pour comprendre le quotidien des soldats et la nature de leurs ennemis fourbes et invisibles. Pour observer, impuissants, l’absurdité des politiques qui laissent ces jeunes dans l’antichambre de la mort pour une cause déjà perdue. Bravo et merci, M. Cedar, je ne peux pas dire que j’ai passé un agréable moment, mais pour rien au monde je n’aurais manqué ce film.