Israël – Hamas : une trève autant impossible qu’improbable
25 juin 2008 par Samuel Sebban |
Certains attendaient peut-être des analyses poussées sur l’Euro de football, mais n’ayant le temps de regarder que très peu de matches, il m’est difficile d’en parler, sinon à paraphraser les journalistes de l’Equipe, ce qui ne présente pas un intérêt fondamental. Néanmoins, si j’arrive à regarder la probable victoire de l’Allemagne sur la Turquie et la moins probable victoire de l’Espagne sur la Russie, je pourrais revenir à la charge. Dans tous les cas, j’en reparlerai à la fin de l’Euro si j’ai le temps c’est promis.
Avant cela, j’aimerais revenir sur un sujet qui me tient à coeur et que je n’ai pas évoqué depuis longtemps : le Proche-Orient et le fameux conflit israélo-arabe. Le thème d’aujourd’hui n’est pas la visite brève mais intense de notre cher président, mais la trève qui est entrée en vigueur depuis moins d’une semaine. Quand la trève a été signée, j’ai d’emblée été sceptique. En effet, lorsqu’une milice terroriste accepte une trève, en général, c’est qu’elle est affaiblie et a besoin de temps pour reconstituer un capital en hommes et en armes. Donc, une trève pour que le Hamas refasse le plein de Qassam, je ne voyais pas bien l’intérêt. Mais à la limite, que ce soit pour la population de Gaza ou les habitants de Sdérot et d’Ashkelon, une trève peut soulager un peu, parce que ça ne doit pas être simple de devoir endurer tous les jours une situation explosive, dans tous les sens du terme.
Pourquoi est-ce que je ne crois pas à la possibilité d’une trève ? Pour commencer, parce que venant d’un mouvement qui a juré la destruction de ses voisins, ça ne peut pas franchement être sincère. Mais surtout, quand bien même le Hamas respecterait scrupuleusement la trève, ce qui semble être à peu près le cas, reconnaissons-le, il y a tellement de milices terroristes dans les territoires arabes qui échappent à tout contrôle qu’il est quasiment impossible pour elles de se mettre d’accord. En particulier, parce que pour les supporters de ces milices, « pactiser » avec l’ »ennemi sioniste », c’est le pire. Donc il y a, à mon sens, une tentation d’opportunisme à laquelle les dirigeants fanatiques ne sauraient résister ; il peut être intéressant pour augmenter son poids politique, de dénoncer le Hamas qui pactise quand nous, héroïques, continuons la lutte.
Et comme le Hamas, patron à Gaza, n’arrive pas (comme aucun gouvernement des territoires) à faire respecter l’ordre sur ses terres, une coordination est impossible. C’est d’ailleurs la principale, sinon la seule, entrave au dialogue israélo-arabe ; si l’on est certain que la démocratie israélienne est capable de faire respecter ses décisions, aucun mouvement radical ne respectera un quelconque accord entre Mahmoud Abbas et Israël. C’était la même chose sous Arafat ; aucun leader n’a encore réussi à imposer clairement son autorité à ceux qu’on appelle aujourd’hui les Palestiniens. Ce qui permet à Israël d’expliquer l’absence d’accord de paix par l’absence d’interlocuteur viable depuis 60 ans.
Et ça n’a pas loupé : hier après-midi, le Djihad islamique proche du Fatah a revendiqué des tirs d’obus de mortier sur Sdérot. Conséquence directe : Israël, considérant que le Hamas est responsable de Gaza, en ayant pris le contrôle, interprète cela comme une violation de la trève. Le Hamas, qui ne peut stratégiquement pas dénoncer une action d’éclat qu’ils auraient chaleureusement saluée en l’absence de trève, annonce qu’il continuera à respecter la trève, façon d’expliquer qu’ils ne seraient pas responsable en cas d’interruption de la trève. Seulement, les autorités israéliennes décident en conséquence, de refermer les terminaux qui avaient été temporairement rouverts… Ce que le Hamas dénonce comme une atteinte à la trève ! Sans oublier le fait qu’il n’y a pas de trève en vigueur avec la Cisjordanie, ce qui sème un bel umbroglio : les combats se poursuivent d’un côté, ce qui a des répercussions de l’autre. Bref, en plus de la division des milices, la division selon la zone géographique. Non vraiment, je n’y crois pas.
De fait, il est désormais probable que la trève échoue, compromettant du même coup la libération du jeune soldat Shalit, emprisonné depuis plus de deux ans. Il est évident que les Arabes de Palestine ne sortiront pas de cette crise dans qu’il n’existera pas sur les territoires un leadership fort capable de maintenir l’ordre sur tout les zones dont il aurait la gestion. Les policiers formés en Europe et qui officient en Cisjordanie sont un bon début. Mais il va bien falloir trouver un moyen de faire taire les extrêmistes du Hamas qui utilisent leur « légitimité » électorale pour semer la terreur en Israël et qui n’a que faire de la population qu’il est censé gouverner.