Moi aussi, je veux parler du pouvoir d’achat !
15 fév 2008 par Samuel Sebban |
Hier, c’était la Saint Valentin. A moins de vivre en ermitage au fin fond de la Laponie, toute personne ayant effectué quelques pas dans une rue pas trop déserte n’a pas pu échapper à la proclamée fête des amoureux. Evidemment, de mon côté, les soi-disantes fêtes qu’on nous impose à grand coup de publicité je m’en fiche un peu (du style Halloween, Saint Valentin, voir même aujourd’hui Noël, puisque de plus en plus de gens m’expliquent que je suis un gros ringard à ne pas fêter Noël, que ça n’a rien de religieux, que c’est juste sympa…)
Bref, toutes les occasions sont bonnes pour les médias et les commerces pour titiller notre porte-monnaie et lui faire de grands appels du pied pour qu’on achète de merveilleux produits séducteurs, le tout en considérant bien entendu les aléas de l’offre et de la demande, qui font qu’une rose coûte plus cher le 14 février que le 13, et qu’un sapin coûte infiniment plus cher autour du 23 décembre que le 14 février… Je ne parle pas des citrouilles, ça va m’énerver !
Mais ces « fêtes » ne sont qu’un exemple. Normalement, le lecteur averti se demande, comme d’habitude, où je veux en venir, et le rapport au pouvoir d’achat. Et bien je pense que ces fêtes, tout comme les buzz ponctuels saisonniers (comme celui de la Wii actuellement auquel j’ai lamentablement succombé) sont en grande partie responsables de la baisse du pouvoir d’achat que politiques, journalistes, et même certaines enseignes (référence au site cdiscount.com qui a remplacé ces « X % d’économie » par « X% de pouvoir d’achat en plus »… muarf), concept financier qui a fait une entrée fracassante dans nos vies. Le pouvoir d’achat baisse, qui pourrait discuter de ça à l’heure où tout le monde n’a que ce mot à la bouche ? Moi.
Alors bien sûr, les hausses de salaires n’ont pas forcément été à la hauteur de celles des patrons du CAC (+40 %, le pouvoir d’achats des patrons du CAC augmente, nous sommes sauvés) ; oui, il y a probablement des améliorations ç faire de l’indexation des prix ; Oui il y a trop de petits salaires… Encore que : globalement, au niveau pouvoir d’achat, il vaut mieux vivre en France qu’en Argentine (ou en Laponie) quand même ! La vérité, c’est que ce n’est pas tant le pouvoir d’achat qui baisse que le besoin d’acheter qui augmente. Le vrai phénomène que j’observe, qui résulte de notre société capitalistique où l’on tend à assimiler ce qu’on est à ce qu’on possède, c’est que l’envie d’acheter tous ces merveilleux produits qu’on étale partout sur les murs, dans nos télévisions, nos radios et sur internet a considérablement augmenté. Quel homme ne rêve pas d’une télé LCD full HD avec un Home Cinéma ou d’un super voiture avec GPS ? Quelle femme ne rêve pas d’un renouvellement tous les 15 jours de sa garde robe avec les collections qui sortent 4 fois par an, le tout entrecoupé de périodes de soldes, où théoriquement on fait des économies ? Pour citer les objets à la mode du moment : la Wii, le GPS, les télé 16/9è, les appareils photo numériques, les iPhone, iPod, les téléphones portables 18ème génération (et les services associés : sonneries, icones, etc… sans parler de l’exorbitant abonnement de 30 € pour 2 pauvres heures), ou encore les jean Diesel, les Converse, Puma, sans parler de tout le pataquès qu’on a subi avec la Saint Valentin sur la lingerie sexy et les sex toys (quand la supposée fête des amoureux devient la fête du sexe…). Viennent se greffer à ça des spectacles ultra demandés 6 mois à l’avance, comme le prochain de Gad Elmaleh (50 €), le Roi Lion (de 25 à 100 €), ou probablement la supposée tournée d’adieu de Johnny. Ou à la télévision, les différents abonnements aux chaines payantes quasiment obligatoires étant donné l’appauvrissement des chaines publiques ; dernier scandale exemple en date : les droits du football qui font que maintenant si tu veux voir de la Ligue 1, il faut payer un abonnement à une chaine de télévision, voir à un opérateur téléphonique (Orange en l’occurrence, qui proposera à ses clients l’accès à une chaine payante non inclue dans leur abonnement téléphonique…) C’est un peu comme si demain on te disait que si tu veux acheter une machine à laver, il faut d’abord être client SNCF. Sinon, il parait qu’il existe un conseil de la concurrence…
Donc récapitulons : les salaires n’ont pas franchement augmenté, mais pas franchement baissé non plus, même si les prix ont un peu augmenté ; par contre, le XXIème siècle est clairement celui du marketing roi : les habitudes de consommation changent, et il est extrêmement difficile de faire la différence entre le besoin et l’envie d’acheter quelque chose. Du coup, à budget égal, si les envies augmentent, c’est sûr : le pouvoir d’achat diminue… Et d’ailleurs : c’est quoi finalement le pouvoir d’achat ? Dans l’opinion populaire, c’est tout ce que je peux acheter avec l’argent de mes revenus, autrement dit, si je peux pas m’acheter tout ce dont j’estime avoir besoin, je n’ai pas assez de pouvoir d’achat. Si on part là-dessus, ce n’est pas demain la veille que les gens seront contents de leur pouvoir d’achat… Si j’avais été notre président, j’aurais évité de me proclamer « président du pouvoir d’achat », qui, s’il est calculé d’un point de vue objectif en mathématiques financières, prend un sens parfaitement subjectif quand il s’agit de l’individu lambda, qui se contentera de constater que SON pouvoir d’achat n’augmente pas (autrement dit que quand il a fini de payer toutes ses charges obligatoires, loyer, manger, téléphone, électricité, il a plus assez pour s’acheter des jeux pour sa Wii, ni sa femme pour se faire la 7ème démarque des soldes alors qu’elle a fait les 6 premières).
Evidemment, je caricature : il y a beaucoup de gens qui ont de vrais soucis pour joindre les deux bouts, et qui peinent à subvenir aux besoins de leurs familles. Bien entendu, ces personnes là ont un véritable problème, mais arrêtons de parler de pouvoir d’achat, c’est stupide : ces gens là sont tout simplement victimes d’un fléau, la pauvreté, et il faut absolument que les gouvernants travaillent dur pour leur trouver des emplois décemment rémunérés, voir des emplois tout court. Le reste, c’est de la communication et du marketing inutile pour dire toujours la même chose : il faut relancer l’économie et donc la consommation (sauf que pour des raisons électoralistes, le mot « consommation » s’est transformé en « pouvoir d’achat » Et nous, moutons, nous avalons ces bêtises). Comme je le dis souvent en fin de billet : rien de nouveau sous le soleil…