Obama a-t-il déjà gagné ?
20 oct 2008 par Samuel Sebban |
Outre la crise financière qui sévit dans le monde depuis quelques semaines, l’autre actualité brûlante de cet automne est bien entendu l’élection présidentielle américaine, qui se rapproche à grands pas. Pour ceux qui auraient habité sur mars ces derniers mois, Barack Obama est en tête dans la majorité des sondages, grâce à sa campagne rondement menée, mais aussi, et à mon sens, surtout, grâce à son rival républicain, John Mc Cain, qui a accumulé bourdes et maladresses lors de cette campagne.
La première blague de Mc Cain a été d’asseoir sa crédibilité économique, en déclarant mi-septembre que les bases de l’économie américaine sont solides. Il a du oublier d’en parler avec les anciens patrons de la banque Lehman Brothers, et quelques économistes. Ou alors il n’a pas pensé à regarder les cours de bourse. Bref, il s’est ridiculisé. Et plouf, première.
Le deuxième coup de pas de chance pour le candidat républicain a été la nomination de Sarah Palin à la potentielle vice-présidence. Passé le premier effet Palin, qui a vu une légère remontée de Mc Cain dans l’opinion, le deuxième effet Palin a été aussi surpuissant que le deuxième effet Kiss Cool : Mme Palin a été convaincue de harcèlement et d’abus de pouvoir en ayant voulu faire renvoyer l’ex-mari de sa soeur, policier de l’Etat, alors qu’elle était gouverneur de l’Alaska. Leçon à retenir : quand on nomme son vice-président, faire attention qu’il ou elle ne soit pas soumis(e) à une enquête judiciaire pour abus de pouvoir, ça fait mauvais genre quand ça concerne la personne qui est censée prendre le pouvoir en cas de défaillance du président (ce qui ne serait pas étonnant vu l’âge avancé de Mc Cain…)
Dernier coup en date : l’épisode de « Joe The Plumber » (littéralement Joe le Plombier). Lors du dernier débat télévisé entre les deux stars US du moment, Mc Cain a accusé son adversaire de vouloir augmenter les impôts pour les classes défavorisées, en prenant pour exemple un brave plombier, nommé Joe, qui aura été la star inconstestable de ce dernier débat. Mc Cain se pose en défenseur de tous les « plombiers Joe ». Premier souci : les télés américaines ont retrouvé ce fameux Joe, qui avait reçu la visite des deux candidats en campagne, et ce dernier n’a été convaincu par aucun des candidats. Match nul, dirait-on. Mais il est dit que Mc Cain n’a pas de chance : Joe le plombier s’appelle Sam, et il n’est pas plombier. Ou en tout cas, il n’est pas agréé, sans parler de ses problèmes avec le fisc et la cerise sur le gâteau : pris en argument par Mc Cain pour défendre son plan économique, il serait finalement avantagé… par le plan de Barack Obama. Et plouf…
Et pour courroner le tout : Mc Cain perd un petit peu le contrôle de la situation et se campe dans la situation du perdant. A quoi peut-on voir cela ? Facile, il cède dans la facilité en se contentant d’attaquer son opposant sur des terrains plus ou moins éthiques. Bref, il est l’agresseur. Obama, l’agressé, n’a plus qu’à se poser en victime et à gérer tranquillement. Ca me rappelle ce qui s’est passé quand Mme Royal a décidé de tacler Sarkozy entre les deux tours, le qualifiant de dangereux, et en se montrant très agressive lors du débat télévisé. Il est clair que cela a servi le candidat Sarkozy.
Pourquoi Obama va-t-il probablement gagner ? Parce qu’il a fait exactement l’inverse de Ségolène Royal. Cette dernière a très fortement mis en avant sa condition de femme pour convaincre les électeurs, délaissant dangereusement son programme, certes, pas aidée par ses amis du PS. Au contraire, Obama s’est focalisé sur le fond, sans trop parler de sa couleur de peau. Etant de ce fait inattaquable par ses opposants au risque pour ces derniers d’être taxés de racisme, ce point est finalement resté un détail de la campagne. Et Mc Cain, qui espérait peut-être tirer parti d’une potentielle campagne « pour élire un Noir à la Maison Blanche » de son rival pour renforcer son électorat « conservateur » (voir plus à droite, tendance raciste), se voit dépourvu de cette arme terrible, et se voit finalement écrasé par le programme bien mieux construit et défendu de son adversaire. En tout cas, c’est ce qui ressort dans les médias : Obama défend son programme, Mc Cain se contente d’attaquer. Quelque chose change aux Etats-Unis : il ne suffit plus d’être vétéran du Viet-Nâm pour convaincre, même en ces temps mouvementés. C’est plutôt réjouissant, dans l’absolu, mais la vraie réponse viendra des urnes dans un peu moins de trois semaines. Et n’augurera absolument rien du contenu effectif du mandat de l’un ou l’autre des candidats !