Quand on a l’impression que le monde ferme les yeux…
5 mar 2008 par Samuel Sebban |
Ça n’aura échappé à presque personne, la situation au Proche-Orient est explosive. Les évènements de ces derniers jours ont, selon moi, fait resurgir l’ensemble des problèmes d’ordre médiatique du conflit israélo-arabe, et mis en exergue les années, voir les décennies d’avance des factions terroristes du Hamas ou du Hezbollah sur Israël. C’est très intéressant.
Le premier élément qui m’a marqué, c’est l’extrait suivant que j’ai repéré sur le site du Monde, le 1er mars :
« Plus les tirs de roquettes Qassam s’intensifieront, plus les roquettes augmenteront de portée, plus la shoah à laquelle ils s’exposeront sera importante, parce que nous emploierons toute notre puissance pour nous défendre », a déclaré, vendredi 29 février, Matan Vilnaï, le vice-ministre de la défense israélien.
Mais quels crétins… Evidemment, l’emploi du terme « shoah » ici est d’une maladresse incroyable, puisqu’ailleurs qu’en Israël il sert à désigner la « Shoah » au sens du génocide nazi des Juifs. Hors, le mot « shoah » signifie « catastrophe » en Hébreu moderne et fait partie du vocabulaire courant en Israël. Finalement, le Monde aurait pu/du traduire intégralement : « Plus les tirs de roquettes Qassam s’intensifieront, plus les roquettes augmenteront de portée, plus la catastrophe à laquelle ils s’exposeront sera importante, parce que nous emploierons toute notre puissance pour nous défendre ». Et personne n’aurait relevé.
Alors bien entendu, on pourra reprocher aux journaux français d’avoir fait une traduction approximative, mais il est évident que selon moi, c’est aux autorités israéliennes de faire attention aux mots qu’ils emploient publiquement. Même si ces termes sont utilisés dans la vie de tous les jours en Israël, ils prêtent à confusion dans les autres pays, et, à l’heure où certains fanatiques ont le culot de qualifier l’État d’Israël de nazi, la moindre des choses est d’éviter de leur donner du grain à moudre.
Certes, on pourra rire jaune quand Mahmoud Abbas, négationniste à ses premières heures, parle d’Holocauste… Quid de la prise de pouvoir du Hamas à Gaza qui avait fait 300 morts, soit 3 fois plus que l’incursion israélienne ? Mais l’Autorité du Fatah de M. Abbas n’est plus à une contradiction près, et les médias français relaient sans aucun sens critique, comme d’habitude.
J’exagère : pour la première fois depuis deux ans, les médias français commencent enfin à parler des roquettes qui s’abattent quotidiennement sur la ville de Sdérot, et, plus préoccupant depuis quelques jours, sur la ville d’Ashkelon (voir carte). Le peuple français découvre donc avec stupeur : les Arabes de Palestine enverraient régulièrement des roquettes… Incroyable. L’armée israélienne pourrait donc faire autre chose qu’un massacre organisé…
Les engins du Hamas sont de plus en plus sophistiqués, et de plus en plus dangereux, et on ne peut que s’inquiéter de cette escalade. Ce qui est fondamentalement étonnant, et c’est là que je retrouve l’impartialité de mes chers médias français, c’est qu’on ne fait pas franchement de différence entre les roquettes du Hamas et les incursions israéliennes. J’entendais une interview de l’ambassadeur d’Israël en France sur le site de France 5, et ce dernier fait une comparaison certes illusoire, mais édifiante : que se passerait-il si des missiles étaient tirés depuis la Belgique sur la ville de Valenciennes (comparable à Sdérot, petite ville de Province) ? La France négocierait-elle la paix sagement sans répliquer ? Pas plus de 2 jours. Il est tellement aisé pour M. Kouchner de clamer haut et fort que la violence n’est pas la solution, et pour tous les bien pensants à l’abri dans leur bureau, ONU et consort… Il est tellement facile de d’expliquer que la réaction israélienne est, comme d’habitude, disproportionnée… Quand ça se passe chez les autres, et plus particulièrement en Israël.
Ne serait-il pas possible, pour une fois, de pointer du doigt le Hamas, entité terroriste reconnue par l’UE, qui cache ses roquettes dans des habitations civiles, qui se sert d’enfants comme boucliers humains, qui tire aveuglement des centaines de roquettes vers Israël en espérant toucher un maximum de civils, justement, et en fêtant ça quand ça arrive ? Missiles soit disant « artisanaux », sous-entendu innofensifs… Qui organise des défilés avec des enfants déguisés en combattants, ou arborant fièrement des ceintures d’explosifs, jeunesse promise à un brillant avenir dans les commandos « résistants » ? Mais pourquoi personne n’en parle ? Le Hamas fait tout pour empêcher la création d’un Etat Arabe en Palestine aux côtés d’Israël. L’objectif clamé haut et fort par le Hamas, et enseigné dans leurs écoles, c’est de tuer du Juif et de rayer Israël de la carte (on comprend mieux pourquoi ça fricote si bien avec l’Iran) ; une véritable apologie de la violence qui n’aura de cesse que quand cet objectif aura été atteint. Je ne parle pas de la situation des habitants de Gaza, victimes en premier lieu de ce régime dictatorial au sein duquel il n’existe aucune liberté d’expression, où les journalistes doivent être accrédités par le « gouvernement », où les mises en scène médiatiques sont monnaie courante (dernières en date : suite au blocus israélien, défilé de Gazaouis soit disant pauvres pour acheter du coca en Egypte, pénurie d’électricité impliquant défilé à la bougie dans les rues alors que les lampadaires fonctionnent, et réunions ministérielles à la bougie rideaux mal fermés, en plein jour…) Mais on n’entend pas franchement M. Kouchner à ce sujet.
Et puis c’est quoi, à la fin, une réaction proportionnée ? Je cite à nouveau l’ambassadeur : pour un kamikaze arabe on envoie un kamikaze israélien ? Ça ne veut rien dire. Israël a le devoir de protéger sa population civile. La solution au problème de la violence est simple, et les officiels israéliens le répètent sans relâche : le jour où les roquettes s’arrêtent, les ripostes cessent. En attendant, qu’est-ce qu’il faut faire ? Observer tranquillement les centaines de roquettes qui tuent et qui détruisent et attendre sagement que ça s’arrête ? Franchement… Il faut poursuivre les négociations avec M. Abbas, parce que le Hamas cherche avant tout à les faire capoter, et endiguer ce fléau terroriste. Aujourd’hui, personne n’a trouvé de meilleure solution que les attaques ciblées. Donc à l’armée israélienne de prendre les meilleures précautions avec les populations civiles pour ne pas les atteindre, et au monde d’ouvrir les yeux : ce qui se passe actuellement au Proche-Orient n’est que le fait du Hamas, dont les dirigeants doivent franchement rigoler quand ils observent le résultat de leurs manipulations fourbes. Comme je le disais, ils ont des décennies d’avance en matière de communication. Et le monde entier tombe dans le panneau…
Une anecdote que je viens de lire pour me remonter un peu le moral (extrait du Jerusalem Post édition française) :
La voix arabe de Tsahal
Pour près de 200 millions de personnes de langue arabe, de l’Inde à l’Indonésie, Tsahal a un visage et un nom : Avichay Adraee. Le seul membre du bureau des portes-parole de l’armée parlant arabe a eu beaucoup de travail la semaine dernière. Il a du présenter la perspective de Tsahal sur les tirs de roquettes et l’opération militaire à tous les médias de langue arabe.
Adraee souligne rapidement que c’est une erreur de voir les médias arabes comme un bloc monolithique, même sur un sujet tel que l’opération militaire dans la bande de Gaza : « Certains organes de presse sont beaucoup plus pragmatiques, et ne suivent pas le Hamas en tous points. Ils peuvent même poser des questions très embarrassantes et très dures pour l’autre côté ».
« Al-Jazeera [télévision basée au Qatar mais qui emet dans le monde entier] était très, très militant alors qu’Al-Arabiya [télévision arabe] était informatif. Al-Arabiya a montré qu’il était au fait de l’immense pouvoir des médias dans le monde arabe et qu’il ne voulait pas l’utiliser pour embraser la région » commente Adraee.
Dans certains cas, Adraee a essayé de présenter la situation comme étant une simple bataille entre un Etat et des terroristes, une analogie parlante pour les pays arabes et musulmans modérés tels que le Maroc ou la Tunisie qui luttent également contre les organisations terroristes.
Le journal le plus diffusé dans le monde arabe, A-Sharq Al-Awsat, édité à Londres, n’a pas été convaincu lui même par le discours de victime du Hamas qui se concentrait essentiellement sur les morts d’enfants. Deux articles ont été publiés attaquant le Hamas, l’accusant d’avoir donné un prétexte à Israël et expliquant que les tirs de roquettes faisaient plus de mal aux Palestiniens qu’aux Israéliens.
Parfois, les efforts d’Adraee se résument en une simple tournure de phrase. S’étant retrouvé par surprise face à un leader du Hamas sur le programme arabe de la BBC, alors que celui-ci répétait le même discours de victime, Adraee s’est contenté de répondre par une expression arabe disant : « Tu me frappes et tu te mets à pleurer ». Après ce commentaire, il a reçu des messages de félicitations de téléspectateurs arabes.
C’est ce retour qui rend le travail d’Adraee moins ingrat. « Je n’essaye pas d’ouvrir une branche du mouvement sioniste à Beyrouth, mais si j’ai réussi à convaincre une personne à l’autre bout du monde, alors je suis content ».
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nb : tout le monde aura noté que je ne parle plus de « Palestiniens ». La meilleure opération de communication des Arabes de Palestine aura été de se faire accepter par le monde entier comme les « Palestiniens ». Historiquement, la Palestine appartient aux Philistins puis aux Anglais, jamais aux Arabes. En 1947, l’ONU vote le partage de la Palestine en vue de la création d’un foyer arabe et d’un foyer juif en Palestine. Les Palestiniens sont donc les Juifs et les Arabes de Palestine. Les Juifs ont créé un État, et se font désormais appeler Israéliens. Mais ils n’en sont pas moins Palestiniens, pas moins que les Arabes de Palestine. Je recommencerai à appeler ces derniers « Palestiniens » dès qu’ils auront créé leur propre État (qu’ils sont libres d’appeler « Palestine » si ça les chante, même si historiquement c’est un non sens… Mais bon, la politique )