« Plomb durci », c’est fini… Pour combien de temps ?
27 jan 2009 par Samuel Sebban |
Israël a donc mené son ultime offensive de l’époque de l’administration Bush, et a fait cadeau d’un cessez-le-feu à Barack Obama pour son investiture. Si chacun des belligérants revendique la victoire, l’image d’Israël en ressort passablement écornée, mais en parallèle, le Hamas semble avoir perdu son impunité auprès des instances internationales. On parle enfin des roquettes et des boucliers humains. Pour résoudre un problème, encore faut-il en comprendre les enjeux et les mécanismes, et il semblerait que le conflit ait mis en lumière un certain nombre d’éléments jusqu’ici ignorés par les instances internationales, et notamment l’ONU (qui reste loin du compte…).
« Plomb durci » : un succès relatif
L’opération israélienne s’est soldée par un succès difficilement contestable au regard des objectifs annoncés, mais un succès très mitigé malgré tout. Un succès, parce qu’Israël a probablement rétabli son pouvoir de dissuasion après l’affront essuyé contre le Hezbollah libanais en 2006. Le Hamas a été pris de court et très rapidement asphyxié par la puissance de l’armée israélienne, bien mieux préparée à la guérilla urbaine qu’en 2006. C’est un signal fort envoyé à tous ceux qui se présentent comme des ennemis d’Israël, ou plus exactement de « l’entité sioniste », à commencer par les grandes puissances qui soutiennent le Hamas ou le Hezbollah, autrement dit l’Iran et la Syrie.
Un succès mitigé cependant, d’abord, par le nombre de victimes. Si les soldats étaient mieux entrainés (le nombre de victimes parmi eux est négligeable comparé à ce qui s’est passé en 2006 au Liban), le nombre de victimes parmi les civils dans la bande de Gaza est assez important (En trois semaines, au moins 1.300 Palestiniens ont été tués, dont 410 enfants et 108 femmes, et plus de 5.300 blessés, selon les services d’urgence de Gaza, et 500 terroristes selon les autorités israéliennes).
Il me semble important de rappeler à ce stade que les « méthodes » de la milice terroriste concernant la « protection » des civils sont criminelles. Boucliers humains, lancement de roquettes depuis des zones surpeuplées malgré les protestations de la population, occupation de lieux de cultes ou de bâtiments de l’ONU, rien ne freine le « gouvernement démocratiquement élu », comme diraient certains. « Maintenant, il faut aussi rappeler quand même la responsabilité écrasante du Hamas. Je le dis ici à dessein, le Hamas est un mouvement terroriste et il faut le dénoncer comme tel », rappelait le 26 janvier Louis Michel, commissaire européen au développement. Voici un témoignage édifiant d’une palestinienne réfugiée à Paris, recueilli par France Info :
Deuxièmement, les destructions opérées dans la bande de Gaza sont dramatiques, et il faudra plusieurs années et des milliards d’euros pour reconstruire ce qui a été détruit. Bien que l’aide humanitaire ait été acheminée quotidiennement via les points de passage depuis Israël, et même depuis l’Égypte, il semblerait que le Hamas attaque les convois et vole l’aide humanitaire destinée à la population, pour la distribuer aux personnes qui soutiennent ouvertement le mouvement terroriste (Source : Jerusalem Post et témoignage précédent). Là encore, la responsabilité de la milice quant à la misère et aux destructions d’infrastructures est édifiante.
Côté israélien, les roquettes ont continué de tomber, certes moins intensément, mais la portée de celles utilisées à l’apogée de l’opération israélienne est inquiétante. De 20 km avant la trêve qui a précédé l’incursion israélienne, elle atteint désormais 40 km, et les services secrets israéliens estiment que des missiles d’origine chinoise de 60 km de portée pourraient être utilisés prochainement si la contrebande d’armes n’est pas supprimée. Par ailleurs, le soldat Shalit est toujours prisonnier du Hamas, et le temps ne joue probablement pas en sa faveur. Enfin, suite à l’utilisation présumée d’armes, certes autorisées, mais très controversées (au phosphore blanc), notamment, l’armée israélienne va être poursuivie pour crimes de guerre par un certain nombre d’ONG et devra répondre de ses actes devant la justice internationale. Il va sans dire que les enjeux de ces batailles judiciaires sont fondamentaux pour la crédibilité israélienne. Néanmoins, j’espère que les mêmes ONG exigeront que le Hamas soit également jugé, mais au vu des prises de positions des ONG en question, j’en doute.
Quel avenir pour la trêve ?
Signalons pour commencer que la première rupture de la trêve est apparue ce mardi 27 janvier à 8:00 environ. Guysen rapporte que des terroristes ont actionné une bombe au passage d’un véhicule de patrouille de Tsahal près de la barrière de sécurité au niveau de Kissoufim. Des snipers palestiniens ont ouvert le feu sur place. Le bilan est encore inconnu au moment où j’écris ces lignes. Bien que les roquettes aient cessé de menacer les civils israéliens pour le moment (faute d’approvisionnement ?), le cessez-le-feu ne semble pas concerner l’action contre les militaires. Le Hamas a décidément une conception étrange du cessez-le-feu. Espérons que cela reste un acte isolé, pour le bien de tous.
Il semblerait par ailleurs, parce que tout cela ne suffit pas, que le Hamas ait gonflé les chiffres concernant le nombre de victimes. Le scandale a été révélé par le très sérieux journal italien Corriere della Sera, dans un article traduit ici, qui recueille des témoignages édifiants sur le comportement du Hamas dans la bande de Gaza durant l’incursion israélienne. Et qui met également en doute le nombre de victimes, les personnes citées accusant le Hamas d’avoir gonflé les chiffres. Ceci rappelle curieusement l’épisode de Jénine en 2002, durant lequel l’armée israélienne avait été accusée d’avoir massacré 500 personnes voir plus selon le degré de fanatisme de la source. Au final, et après enquête de l’ONU, le bilan est de 52 morts, 54 selon le directeur de l’hôpital de Jénine… dont 45 combattants !
Un médecin palestinien affirme : « Nous l’avions déjà signalé aux chefs du Hamas. Pourquoi tiennent-ils à gonfler les chiffres des victimes ? Il est étrange, entre autres, que les organisations non gouvernementales, y compris les occidentales, en fassent état sans vérification. Finalement, la vérité pourrait émerger, et il en serait comme à Jénine en 2002. Au début, on a parlé de 1 500 morts. Il s’est avéré ensuite qu’il n’y en avait que 54, dont 45 guérilléros tombés au combat. » Tout ceci semblerait confirmé par le nombre de lits vides dans les hôpitaux à Gaza, selon le journal italien.
Et bien entendu, à l’heure de rétablir cette potentielle vérité, il sera trop tard pour Israël qui certes, a fait des progrès dans la guerre de l’information, mais n’arrive pas encore à la hauteur de mouvements comme le Hamas. Il faut dire que le mouvement terroriste n’ayant que faire des vies humaines de leurs martyrs, c’est plus facile de créer des morts et de la souffrance.
Et le reste du monde, dans tout ça
Il est évident que le changement d’administration aux États-Unis est une nouvelle donne à assimiler pour les protagonistes du conflit. L’élection de Barack Obama suscite les espoirs les plus fous et d’aucuns pensent qu’il pourrait être celui qui va apporter une réponse durable au conflit israélo-arabe. A court terme, George Mitchell vient d’être délégué par Obama et sa nouvelle secrétaire d’État Hillary Clinton pour se concentrer sur les solutions à apporter au conflit. Rappelons que l’ancien sénateur a joué un rôle très actif dans la résolution du conflit en Irlande du Nord. Espérons qu’il sera l’homme de la situation.
L’autre nouvelle donne, c’est l’attitude de l’Égypte, agacée par le Hamas et consciente du danger que représente cette émanation des Frères Musulmans, principal « parti » d’opposition dans le pays des pharaons. Hosni Moubarak semble déterminer à stopper la contrebande d’armes à destination de la bande de Gaza, soutenu en ce sens par la France et l’Allemagne, qui ont proposé un soutien logistique à l’Égypte en ce sens.
La France cherche par ailleurs à intégrer le Hamas dans la communauté internationale, à la condition que l’entité terroriste se joigne au processus de paix, et éventuellement qu’elle reconnaisse Israël (ce qui ne semble plus être une condition non négociable, malheureusement). Cette attitude qui vise à tenter d’obtenir des concessions en ouvrant la porte à des dirigeants peu scrupuleux est conforme à ce que le président Sarkozy a tenté en recevant Muammar Khadafi ou encore en renouant le dialogue avec Bachar Al-Assad, le président syrien. Pour le moment, cette politique n’a pas réellement provoqué de changements positifs tangibles dans le comportement des Etats concernés.
Enfin, la Jordanie, qui avait rappelé son ambassadeur pour protester contre l’incursion israélienne durant l’opération, l’a finalement renvoyé en Israël. Sans commentaire.
Au delà des efforts individuels des États, deux choses m’ont réellement inquiété, au-delà de ce qui se passait sur le front :
1) L’attitude de l’ONU et des médias
Au-delà d’une criminelle partialité (la prise en compte des roquettes envoyées par le Hamas depuis Gaza est admise depuis trop peu de temps, sans compter les problèmes de surexposition des civils qui ne sont même pas mentionnés dans les rapports à ma connaissance), c’est cet empressement à condamner l’État d’Israël systématiquement qui est préoccupant. Nous avons donc assisté à un dialogue de sourds entre une entité, qui semble appliquer la charte d’lONU dont l’article 51 accorde aux États le « droit de se défendre », et l’ONU qui fait la sourde oreille et condamne souvent en ignorant les exactions de l’adversaire. Et quand je parle d’empressement : pendant « Plomb durci », au Zimbabwe, des milliers de civils sont tués, 1,5 millions de personnes voient leurs maisons détruites, mais comme Tsahal n’est pas responsable, cela semble intéresser l’ONU – et nos médias – que dans une mesure nettement moindre. Sans parler de tous ces gouvernants, Hugo Chavez, Muammar Khadafi, Mahmoud Ahmadinejad, Bachar Al-Assad, et tant d’autres despotes, qui sont bien moins prompts à réagir sur le sujet… En bref, ce qui m’inquiète, c’est l’attention et le traitement très particulier du conflit israélo-palestinien à l’ONU et dans les médias. Et selon moi, l’ONU ne gagne pas en autorité et en crédibilité en traitant Israël et le Hamas, dans le meilleur des cas, sur un pied d’égalité.
2) L’opinion internationale et une recrudescence d’actes antisémites, notamment en France
C’est attristant, parfois alarmant. Je n’aime pas les mouvements de foule violents, encore moins ceux qui prennent un caractère raciste emprunt de haine. Et donc, voir des drapeaux brulés, des slogans obscènes (juifs = nazis), et la récupération politique des Besancenot et autres crétins d’une certaine extrême gauche qui feraient presque passer le Hamas pour un mouvement saint et pacifique, ça me donne la nausée. Je n’ai pas vu ces « promeneurs du samedi » défiler pour défendre les Zimbabwéens (voir l’excellent article de Mohammed Sifaoui sur le sujet et surtout sa deuxième partie). Ce n’est pas nouveau que l’extrême gauche fricote avec des courants de pensée, sinon antisémites, au moins ouvertement antisionistes, ce qui revient la plupart du temps au même, comme je l’ai déjà évoqué sur le blog à travers les mots d’un autre bien plus sage et illustre. En même temps, Besancenot fricotant avec Rouillan, quelques allumés terroristes en cagoule, ça doit probablement l’émoustiller. Il faudra que j’écrive un billet sur Besancenot, il y’aurait un paquet de choses à dire. Je note.
Attention, je ne critique pas ceux qui défilent pour défendre la population de Gaza et de Cisjordanie. Mais comme le dit très bien la femme du témoignage précédent, le Hamas, ce n’est pas les Palestiniens. Et comme elle, je regrette amèrement d’avoir vu davantage de drapeaux du Hamas que de drapeaux palestiniens. Défendre le Hamas, manifester en criant haut et fort que le Hamas est dans son bon droit, c’est criminel et loin de soutenir le peuple palestinien, ça cautionne sa misère. Une manifestation intelligente et constructive aurait été conjointe de ceux qui se disent pro-israéliens et ceux qui se disent pro-palestiniens, bref de ceux qui sont en faveur de la paix, manifestant contre le Hamas qui prend en otage la population de Gaza et constitue l’obstacle majeur en vue d’une paix durable aujourd’hui. Oui mais voilà, le Hamas n’est pas « sioniste », c’est moins raccoleur…
Nous discutions avec un proche récemment de comment on peut décemment en arriver à sortir des énormités en rapprochant les crimes nazis des combats à Gaza, et parler de génocide ou même de Shoah… L’hypothèse que nous avons soulevée est que peut-être ces personnes se déculpabilisent en se disant que finalement, les Juifs valent pas mieux que les nazis et les collabos et qu’ils peuvent être eux-mêmes les bourreaux exécutant un holocauste. Alors que ce mardi coïncide avec la journée mondiale de commémoration de la Shoah, la vraie, la seule, il est très inquiétant de constater que, malgré le travail de mémoire, le souvenir de la Shoah et sa dimension historiquement inhumaine est déjà banalisé par certains, voir carrément nié par d’autres, régime des Mollahs iraniens en tête. Curieuse façon de commémorer une des plus funestes pages de l’histoire mondiale…
Comme je m’évertue à le souligner sur ce blog, il est complètement absurde de comparer le massacre systématique de la moitié d’une population (6 millions de Juifs tués en quelques années ; il y’en a environ 12 millions dans le monde aujourd’hui) dans des chambres à gaz par le seul critère d’avoir un grand-parent juif, et des victimes certes civiles, mais qui surviennent lors de combats de type guérilla entre deux armées combattantes (avec 15000 combattants et la modernité de leur armement, qu’on ne vienne pas me dire que le Hamas est une faction, je vais rire). Victimes qui se comptent en milliers sur une population de neuf millions de personnes dont 1,2 vivent en temps que citoyens libres en Israël (source Wikipédia)… Si Israël avait voulu commetre un holocauste, nul doute qu’il ne resterait plus grand monde à Gaza. Parler de Shoah ou de génocide, ce n’est pas ridicule, mais obscène et honteux vis-à-vis de tous ceux qui ont péri dans les camps de la mort et de leurs familles. Sans parler des rescapés, qui ont le malheur d’assister à ces scènes tragiques… Le choix des mots est fondamental : en banalisant ainsi la Shoah, les chances que ça se reproduise envers une communauté ou une autre augmentent. Se souvenir, pour une fois, empêcherait peut-être l’éternel recommencement de l’histoire.